vendredi 2 mars 2012

21:11Affaire des étudiants arrêtés : La justice renonce aux poursuites.



Les six étudiants qui avaient été arrêtés il y a quelques jours, ont été libérés. De mémoire de Mauritaniens, cela faisait certainement plusieurs décennies que des étudiants mauritaniens n’ont pas été placés dans un box d’accusés.

Finalement, selon un défenseur des droits de l’homme présent devant le Palais de justice, "le système judiciaire a évité un tel retour aux années d’exception, en choisissant de libérer tous les prévenus, mettant ainsi un terme à un procès qui aurait noirci le tableau déjà sombre des violations des droits de l’homme enregistré ces derniers temps".

Mes Brahim Ould Ebetty, Fatimata MBaye, Mohamed Ahmed Ould El Hadj Sidi et Bilal Ould Dick, ne descendront finalement pas dans l’arène des joutes judiciaires. Le parquet deNouakchott le leur a épargné en choisissant de libérer hier, lundi 27 février, les six prévenus négro-mauritaniens, membres du Syndicat national des étudiants mauritaniens (SNEM) dont le procès devait s’ouvrir.

Après une semaine d’incarcération à la prison de Dar Naïm et plus d’une semaine de garde-à-vue dans différents commissariats de Nouakchott, les étudiants ont été en effet soustraits de prison pour signer des demandes de mise en liberté provisoire. Ce qu’ils ont refusé ainsi que leurs avocats. Un revirement spectaculaire de la part de l’appareil judiciaire, alors qu’ils s’attendaient à un jugement sur la base des articles 90 et 91 du Code des procédures dans son Chapitre IV portant crimes pour atteinte à la sûreté de l’Etat, par voie de meurtre et de vandalisme.

Contre toute attente en effet, la Justice est revenue, selon les avocats, sur ses accusations et sur ses procédures pour un jugement imminent, et présenta aux prévenus des offres de mise en liberté provisoire. Demande rejetée par les étudiants et le collectif d’avocats qui s’était constitué pour défendre leur cause. Auparavant, les magistrats auraient retiré des mains des policiers les demandes de levée d’écrou et tenté à travers la direction de la prison de faire pression sur les étudiants pour les obliger à signer les demandes de mise en liberté provisoire, rapportent les avocats de la défense cités par des sources journalistiques.

Il faut rappeler que les six étudiants en question, Kébé Souleymane, Diallo Boubacar,Boubacar Thiam, Abderrahmane Camara dit Papis, Ali Moustapha Thiam et Ali Idrissa Sow, avaient été inculpés et jetés en prison par le Parquet de la République, qui avait libéré dans la foulée vingt-six de leurs camarades déferrés avec eux.

Des étudiants, membres du SNEM avaient parlé à l’approche du procès, d’une parodie de justice qui n’aurait jamais eu lieu, selon eux, dans un Etat de droit et de démocratie. Il aurait été destiné, soulignent-ils en substance, à mater une grève estudiantine pacifique. Pour leur part, les autorités avaient inculpé les étudiants pour abus de biens publics, incitation à la violence et à la destruction d’équipements collectifs et complot.

Dénonçant les méthodes peu orthodoxes utilisées contre leurs camarades, à savoir"séquestration dans des postes de police avec tortures et maltraitance, puis emprisonnement illégal et défaut de procès", le SNEM accuse l’administration de l’Université d’avoir remis leurs dossiers personnels, contenant des informations précises, aux services de police, lesquels les auraient utilisés contre eux durant les interrogatoires.

Cette collaboration ouverte entre la direction de l’Université et la Police pour condamner les étudiants détenus a ainsi été violemment critiqué par le syndicat. Les étudiants membres duSNEM prépareraient ainsi une conférence de presse au cours de laquelle ils comptent faire des divulgations sur les violations graves des droits de l’homme que les forces de police auraient perpétré à leur égard durant leur garde-à-vue. Des témoignages vivants d’étudiants ayant subi des tortures, serait même au programme si l’on en croit certains responsables du SNEM.

Il faut dire qu’une marche de protestation, qui est partie du marché de la Capitale au ministère de la Justice, avait été initiée avant-hier par plusieurs syndicats d’étudiants ainsi que les parents des détenus. La télévision de Mauritanie qui n’a jamais couvert une seule manifestation autre que celle louant les bienfaits du régime, remarque les étudiants, était sur place. Salimata, une étudiante en Lettres qui faisait partie du lot des vociférateurs de remarquer, "les images tournées, qui seront certainement archivés pour la postérité, n’ont aucune chance d’être diffusées".

Cheikh Aïdara.


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